LA GENESE...

Lydia naît le 13 novembre 1962 à Maisons-Alfort. Sa mère, la première épouse de Raymond Gouardo, meurt peu de temps après sa naissance. Lydia passe les trois premières années de sa vie en foyer tandis que Raymond Gouardo, lui, purge une peine de prison pour vol à main armée. A sa sortie, il récupère Lydia, son frère Bruno et sa soeur Nadia, et s'installe avec ses trois enfants à Beauval, un quartier HLM de Meaux, où ils restent jusqu'à leur déménagement à Coulommes en 1975. Lucienne Ulpat, qu'il a rencontrée par l'intermédiaire d'une petite annonce alors qu'il était en prison, s'installe aussi dans l'appartement. Elle se fait appeler «maman», mais Lydia sait qu'elle n'est pas sa «vraie» mère. Ce n'est que bien plus tard, à 18 ans, que la jeune femme apprendra que Raymond Gouardo, son père légitime, qui l'a reconnue à sa naissance, n'est pas non plus son «vrai» père biologique. «Au moins, comme ça, mes enfants sont normaux», dit Lydia.
Lydia a 8 ans lorsqu'elle est grièvement brûlée aux jambes. Elle explique que sa belle-mère, pour la punir, l'a plongée dans une baignoire d'eau bouillante, puis a frotté ses jambes avec une brosse dure. Lucienne Ulpat, elle, parle d'un accident : l'enfant aurait spontanément sauté dans l'eau. Après une hospitalisation de plusieurs semaines, Raymond Gouardo décide que Lydia n'ira plus à l'école. «C'est en changeant mes pansements qu'il a commencé. A me toucher. Puis les viols.» 
Lydia a décrit aux enquêteurs le détail des sévices qu'elle a subis. L'un d'eux dit n'avoir «jamais rien entendu d'aussi atroce» malgré «des années de métier». Viols, violences, mais aussi pénétrations vaginales et anales à l'aide d'outils, chignole, scie, marteau, lame de rasoir... Avant de la violer, Gouardo lui faisait parfois sniffer de l'éther ou ingurgiter de l'alcool. Si elle résistait, il la brûlait avec un chiffon imbibé d'acide chlorhydrique. Son corps marqué, ainsi que les registres de plusieurs hôpitaux faisant état de nombreuses admissions pour brûlures entre 1971 et 1999 (1) accréditent son récit.
Le frère et la soeur de Lydia, Bruno et Nadia, vivent le même calvaire. A 15 ans, Bruno se plaint aux services sociaux de maltraitances et obtient son placement en foyer. Personne ne s'inquiète pour autant de ses soeurs. Nadia quitte la maison à 20 ans et n'y revient plus jamais. En 1996, elle porte plainte à la gendarmerie de Crécy-la-Chapelle pour les viols et tortures subis durant son enfance et son adolescence. Sa plainte ne sera jamais instruite. Face à ce «silence» des institutions, Lydia finit par se résigner. «Tant que je n'avais pas d'enfants, je fuguais. Ensuite, je suis restée pour mes enfants. Et parce que j'avais peur, de lui et du monde extérieur.» 
Ce fameux «monde extérieur» semble définitivement aveugle et sourd. Dans les documents conservés par Lydia, on trouve une copie d'un jugement du tribunal pour enfants de Meaux daté du 22 septembre 1980. Il ordonne la fin d'une mesure de placement prise trois mois auparavant «à la suite de nombreuses fugues». «Bien qu'il nous soit permis de douter de la réalité et du caractère durable de "ces retrouvailles" entre le père et la fille, il y a lieu néanmoins de donner une suite favorable à la demande de M. Gouardo», écrit sans autres précisions le juge. On trouve aussi un article du journal Détective de 1992, qui s'insurge contre les brûlures de Lydia, mais pour mieux saluer le combat d'un père pour sa fille.
Dès 1971, Raymond Gouardo s'est en effet lancé dans une bataille judiciaire contre l'office HLM de Meaux. Il veut obtenir des dommages et intérêts en invoquant «un système d'eau chaude défectueux» à l'origine de «l'accident» de la baignoire. Vingt six années de procédure infructueuse feront de lui «le personnage le plus connu du tribunal de Meaux», admettent aujourd'hui plusieurs sources au palais, qui reconnaissent avoir entendu des «rumeurs» concernant la filiation des enfants de Lydia. Un des nombreux avocats épuisés par Gouardo évoque d'ailleurs, dans un courrier par lequel il se désiste du dossier, les «ragots quant à votre vie personnelle». Quant à l'article de Détective qui soutient la croisade du père, il précise que, dans les mois qui ont suivi l'accident, Lydia criait «si fort» de douleur «que les voisins ont porté plainte». Une plainte, donc, pour nuisance sonore. Mais pas de signalement.
Dans les archives de Lydia, on trouve encore un rapport d'expertise de 1975 de l'institut médico-judiciaire attestant que l'enfant a été «directement plongée» dans l'eau bouillante. Puis, plus rien jusqu'en 1997, où Raymond Gouardo et Lucienne Ulpat sont finalement déclarés responsables des brûlures de l'enfant. Ils produisent alors un faux acte de renonciation aux poursuites au nom de Lydia, et obtiennent un non-lieu.
De ses classeurs, enfin, Lydia extrait un tract, avec une photographie imprimée. C'est elle, à 8 ans, nue, sur un lit, dans une pose ambiguë, ses jambes ensanglantées au premier plan. Le cliché est difficilement soutenable. Il a pourtant été distribué dans toutes les boîtes aux lettres de Meaux, affiché sur les murs de la ville par Raymond Gouardo sans que personne ne s'en émeuve. Sur le parking du centre commercial La Verrière, dans le quartier de Beauval, on se souvient «des affiches». Elles recouvraient la camionnette commerciale de l'imprimerie Gouardo stationnée là tous les jours de 7 heures à 19 heures. L'homme y vendait des faire-part, cartes de visite et autres travaux d'impression. Des commerçants se souviennent de Lydia, cette enfant qui passait «toutes ses journées dans la camionnette». Deux d'entre eux parlent aussi des «rumeurs» à propos des viols. «Y en avait même qui disaient en voyant la camionnette : "ça remue bien là-dedans."» 
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